Cela laisse à penser que le fil est composé de trois niveaux de structures différents. Les biochimistes pensent que le fil de l'araignée est constitué par deux chaînes protéiques constituées essentiellement par l'un ou l'autre des deux acides aminés, glycine ou alanine. Or la structure tridimensionnelle d'une protéine est due à une infinité de liaisons réversibles, qui expliquent le fait que le fil d'araignée retrouve son état d'origine.
On connaissait depuis de nombreuses années les caractéristiques étonnantes du fil d'araignée : sa ductilité, sa force et sa dureté dépassent en effet celles des fibres synthétiques les plus élaborées. Il semblerait maintenant que la sélection naturelle, face aux torsions et aux oscillations répétées qu'il subit, ait permis son évolution en un matériau dit "à auto-mémoire de forme", c'est-à-dire ne nécessitant aucun stimulants extérieur pour retrouver sa configuration initiale. Cette dynamique complexe a été récemment décrite par un modèle "emboîté" que les auteurs proposent pour décrire la relaxation des différentes protéines du fil d'araignée.
B- La mémoire de forme
Si vous acrrochez un objet au bout d'un fil vertical, que vous lui donnez une légère torsion et que vous le lachez, vous constatez qu'il tourne sur lui-même, plus ou moins longtemps et avec une plus ou moins grande amplitude selon la nature du fil. Observez maintenant une araignée suspendue au bout de son fil... Elle est stable, fixe, tisse son fil selon une parfaite ligne droite, et retrouve son équilibre quelles que soient les perturbations .
La solidité du fil d'araignée est connue depuis plusieurs centaines d'années, mais jamais personne ne s'était encore intéressé à sa torsion. C'est désormais le cas : deux chercheurs d'une UMR CNRS/Université de Rennes, associés à un chercheur de l'Université d'Oxford ont publié leurs résultats dans la revue Nature, du 31 mars 2006.
Deux physiciens s'intéressent de près à l'araignée de nos jardins, ou plus exactement à son fil...Tout a commencé il y a plus de 15 ans, quand Albert Le Floch décide de poursuivre une manipulation sur les échanges entre lumière et matière, commencée en 1936 à Princeton par Richard Beth, conseillé par Albert Einstein. L'expérience consiste à suspendre un cristal de quartz au bout d'un fil et à le faire tourner avec de la lumière.
« Nous voulions reprendre cette manipulation avec les sources lumineuses d'aujourd'hui, mais nous sommes vite trouvés confrontés au problème du fil», explique Albert Le Floch.

« Quelques gouttes de rosée sur une toile d'araignée, et voilà une rivière de diamants.»
Jules Renard
« Comment suspendre le morceau de quartz… et pourquoi pas avec du fil d'araignée ? ».
Albert Foch le pris aux sérieux, car ce fil etait aussi connu pour sa mémoire de forme… Et pourtant, la plupart des études réalisées jusqu'à ce jour concerne plutôt l'incroyable résistance du fil.
« Tout le monde tire dessus ; nous, nous le tordons ! ». C’est ainsi que dans les sous-sols du laboratoire rennais, un morceau de quartz est suspendu au bout de son fil d'araignée... Mais avant de finaliser leur expérience d'origine, les deux chercheurs se sont intéressés de près aux propriétés de torsion du fil. Ils y ont accroché un petit mobile en plastique correspondant au poids de l'araignée, l'on fait bouger et ont analysé son comportement grâce à une caméra.

Le fil de vie ou fil de trame est un fil droit le long duquel descend l’araignée sans tourner sur elle-même. Sa survie en dépend si elle ne veut pas attirer ses prédateurs !
Pour la comparaison, ils ont réalisé l'expérience avec deux autres fils, en cuivre et en nylon.
Ils ont comparé les réponses dynamiques de différents types de fils à une rotation de 90°. Résultat : le fil de nylon, trop élastique, tourne sur lui-même sans s'arrêter comme un alpiniste au bout de sa corde, alors que le fil de cuivre n'oscille pas mais finit par se disloquer et casser. « Le fil d'araignée possède la solidité du nylon et la stabilité du cuivre. On observe un premier temps de torsion puis un second de relaxation. ». En fait, le fil reprend sa position initiale en trois temps. Ces trois composantes sont : une minute, dix minutes et une heure.


Fil de cuivre observé, par nos soins, au microscope optique ( x40 )
Fil de nylon observé, par nos soins, au microscope optique ( x40 )


Fil d'araignée observée, par nos soins, au microscope optique (x600)





